Très bien partis avec des victoires successives lors des trois matchs de poules (9 points), les Lions du Sénégal ont été surpris par la Côte d’Ivoire, pays organisateur, qui s’est qualifiée avec seulement 1 point lors des 1/8 de finale. L’élimination des hommes d’Aliou Cissé a surpris les acteurs du football et tout le peuple sénégalais. Les Lions du Sénégal ont-ils perdu par manque d’application de leur système de jeu (s’il en avait) ou par naufrage collectif ? Des spécialistes se sont entretenus avec le journal « Sud Quotidien » pour dresser le bilan de cette compétition qui s’est déroulée en Côte d’Ivoire.
« Contre la Côte d’Ivoire, le Sénégal a été moins souverain sur le terrain contrairement à ses trois matchs de poule. Le Sénégal a très bien entamé son 1/8ème de finale mais a perdu le fil au fur et à mesure que la rencontre avançait. Mais les lions étaient loin d’être aux abois donc on ne peut pas parler de naufrage collectif : 4 tirs cadrés de chaque côté même si le Sénégal a tiré 13 fois aux buts, 53% de possession pour les Éléphants contre 43% pour les Lions. Après avoir ouvert le score, l’équipe du Sénégal a eu les occasions de faire le break même si les Éléphants sont montés en puissance sur tous les plans durant cette opposition. Sur plan physique et tactique, il y a eu du répondant côté Émerse Fae avec notamment la titularisation de Jean Michel Seri, l’entrée en cours de match de Ibrahima Sangaré et de Sébastien Haller. Aliou Cissé est parti avec ses certitudes mais lui aussi, à l’image de ses joueurs, a perdu le fil du match. Notre milieu de terrain a souffert dans cette rencontre et cela a rejailli sur toute l’équipe. Loin de rentrer dans des considérations tactico-techniques, nous noterons juste que les Éléphants sont montés en puissance là où le Sénégal n’a pas su se réinventer en cours de rencontre.
On peut même dire que le sélectionneur a surpris son monde en misant autant sur la jeunesse dans cette Coupe d’Afrique des Nations et dans un secteur névralgique : le milieu du terrain. En titularisant Lamine Camara, Pape Matar Sarr, Pape Gueye lors de la plupart des rencontres, Aliou Cissé a fait des paris forts pour le cœur du jeu. À y regarder de plus près, on peut parler d’un certain équilibre, d’un bon dosage entre jeunesse et expérience. Sur la ligne d’attaque, c’est l’expérience qui a primé avec le trio Ismaïla Sarr, Sadio Mané et Habib Diallo, des joueurs pas si vieux mais qui ont pris de la bouteille dans cette tanière. Sur la ligne défensive, Ismaïl Jakobs et Moussa Niakate qui jouaient leur 1ère CAN se sont greffés à Edouard Mendy, Kalidou Koulibaly et Krépin Diatta.
C’est le contraire qui serait étonnant. Le sélectionneur Aliou Cissé est certainement le premier à s’être posé la question sur son avenir en sélection au soir de cette élimination prématurée du Sénégal contre la Côte d’Ivoire. Car en allant à cette CAN, il avait pour objectif de jouer sept matches et donc de se donner une chance de conserver son titre. Aujourd’hui, il y a des échéances qui arrivent et qui sont très importantes mais on ne peut faire l’économie d’un bilan de cette campagne à la fois technique, logistique et financier. Quand il s’agit de l’aspect technique, ce sont les joueurs, dans une moindre mesure, et le sélectionneur qui sont au premier rang. Je pense qu’il appartient à la Fédération Sénégalaise de Football, employeur de Aliou Cissé, de communiquer sur les interrogations de l’opinion publique sénégalaise, celles-ci étant nombreuses et légitimes, de donner les nouvelles orientations et directives pour espérer de nouveaux succès dans le futur. »
Dr. Mohamad Ghandour, consultant sportif, a exprimé son opinion :
« Aliou Cissé a atteint son plafond avec cette élimination en 1/8 de finale, et je pense qu’il est temps pour lui de partir par la grande porte. Je ne crois pas que le sélectionneur ait sous-estimé son adversaire, car dès le début de la compétition, sachant que les deux équipes pourraient se rencontrer en 1/8 de finale, le Sénégal a tout fait pour éviter la Côte d’Ivoire en remportant tous ses matchs de poule. Les choses ne se sont pas déroulées comme prévu pour les Ivoiriens, avec une victoire difficile contre la Guinée-Bissau, une défaite contre le Nigeria, et une catastrophe sportive contre la Guinée équatoriale, ce qui a finalement placé la Côte d’Ivoire en tant que meilleure troisième. Aliou Cissé est un coach connu pour son humilité, qui a toujours aligné ses meilleurs joueurs même lorsqu’il joue contre une équipe moins classée et moins forte que le Sénégal. Je pense donc que cette défaite n’a pas été prise à la légère. Ce match a été préparé comme un véritable 1/8 de finale.
Le football a une mémoire sélective ; ce que l’on retient, c’est la victoire, et pendant et après la victoire, on spécule beaucoup sur la performance des joueurs. On revient rarement sur la performance du coach, et c’est surtout pendant la défaite que l’entraîneur est visé, comme on l’a vu avec la Côte d’Ivoire, qui a perdu et a licencié son entraîneur. Pour cette raison, je pense que nous avons manqué d’application et que nous avons perdu par manque de réactivité tactique, mais ce n’était pas un naufrage collectif. La partie avait bien démarré, et nous avons rapidement pris le dessus sur les Ivoiriens en menant 1 à 0. C’est à ce moment-là que nous aurions dû essayer de changer notre manière de jouer. Le système et l’animation mis en place n’étaient pas adaptés. Nous avons joué sans milieu récupérateur, et Lamine Camara et Pape Matar ont été dépassés au milieu par Sékou Fofana, Sangaré et Aurier, après l’entrée de Kessié. Au niveau de la ligne médiane, c’était une supériorité flagrante pour les Ivoiriens, et nos joueurs étaient absents sur les deuxièmes ballons. Le 3-4-3 avec Abdou Diallo a laissé beaucoup d’espace, et il a reculé pendant tout le match, ce qui a permis aux Ivoiriens de prendre le contrôle du jeu.
Après les matchs à élimination directe, le coaching doit être beaucoup plus réactif. Nous avons manqué de fraîcheur dans ce match, et nous aurions dû faire des changements plus tôt. J’ai apprécié l’entrée du jeune Lamine Camara dans cette compétition, mais nous avons manqué d’équilibre dans le système. Certains joueurs n’étaient pas à leur niveau habituel, et nous avons manqué de justesse dans les derniers gestes. Il est temps de se remettre en question et de trouver un nouveau souffle pour l’équipe du Sénégal. Aliou Cissé a accompli de grandes choses pour le Sénégal, mais je pense qu’il est temps de passer à autre chose. Nous devons remercier Aliou Cissé pour son travail, mais il est temps d’avoir un autre visage à la tête de cette sélection. » J’aimerais aussi ajouter qu’un entraîneur doit pas être un dogmatique prêt à mourrir pour ses idées mais un opportuniste qui peut tout changer pour s’adapter au besoin du match >>.